26.02.2011
Faune brute et Figures populaires à Casablanca
Au Maroc, cela bouge aussi du côté qui nous intéresse. Il était une fois un grand peintre abstrait qui s’appelle Labied Miloud. Ce peintre, autodidacte à l’origine, a quitté ce monde en 2009. Il avait conservé pieusement par devers lui 42 peintures de Radia Bent Lhoucine (1912-1994) qui n’était autre que sa maman.
Labied Miloud avait fréquenté les ateliers d’art plastique que Jacqueline Brodskis, une Française arrivée au Maroc en 1912, avait créés dans ce pays dont elle était tombée amoureuse au point d’y rester vivre. C’est Jacqueline Brodskis, cette «accoucheuse de talents» qui avait découvert celui de Radia Bent Lhoucine en 1961.
Moins connu que Chaïbia et Fatema Hassan (voir ma chronique du 3 nov. 2006), elle n’en est pas moins une grande figure de la peinture féminine marocaine d’origine populaire. Sa grande année fut l’année 1963 où elle exposa à la Galerie Charpentier à Paris dans une manifestation sur Deux mille ans d’art au Maroc et à Lausanne pour une expo individuelle.
Les 42 peintures étaient demeurées au secret depuis 35 ans car Radia Bent Lhoucine, dont l’activité picturale court sur 20 ans, s’est arrêté de peindre à la fin des années 70. Elles sortent au grand jourle temps d’une exposition à Casablanca jusqu’au 10 mars 2011.
Messieurs, mesdames mes lecteurs marocains, il ne faut pas tarder et vous aussi les touristes en vacances dans le royaume! C’est à la Galerie 38. L’adresse est : 38, route d’Azemmour à Aïn Diab. Elle s’intitule Faune brute et Figures populaires.
21:07 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, In memoriam | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : radia bent lhoucine, art brut, maroc, casablanca, labied miloud, jacqueline brodskis | | Imprimer | | |
21.02.2011
Electric pencil et autres Smürtz
Petit bonus sur l’OAF mais non des moindres : The Electric Pencil. C’est seulement maintenant que j’ai pu mettre la main sur le catalogue de la foire. En couverture, un dessin de ce pensionnaire d’un asile de Nevada dans le Missouri dont je vous avais déjà signalé le surprenant travail dans ma note du 17 octobre 2010.
A l’intérieur un poétique passage d’oiseaux pour illustrer la page de la galerie qui les expose. Elle s’appelle aussi : The Electric Pencil.
Le surnom qui a été donné à ce créateur anonyme semble provenir du dessin 197. C’est vrai que son auteur a plutôt écrit : «ECTLECTRC» mais on va pas chipoter pour si peu. Electric, c’est plus commercial.
Les 280 dessins réalisés recto/verso sur de grandes feuilles de registre hospitalier ont été décousus de l’album fait main en cuir et tissu où ils étaient réunis. C’est ainsi plus facile à vendre.
Dans ma boîte aux lettres, est arrivé aussi le leporello nouveau de la Collection de l’Art brut à Lausanne. Si vous savez pourquoi on a donné le nom du serviteur de Don Giovanni à ce type de dépliant, merci de me le dire. C’est égal, celui-ci est fort beau. Avec un fond noir superbe, sur lequel j’ai hélas promené mes doigts poisseux car je venais de m’en servir pour consommer une de ces sucettes géantes qu’on appelle «couille de mammouth» dans les cours de récré.
Le leporello de Lausanne s’ouvre sur un Aloïse à tomber mais c’est surtout le petit texte introductif qui a retenu mon attention. Pourquoi? mais parce qu’à la question rituelle : «Qu’est-ce que l’art brut ?», il répond sans énumérer des vieilles formules mises sur orbite par Dubuffet il y a 40 ans. Un véritable effort définitionnel a été fait et ce n’est pas si simple. Si on avait voulu recadrer la notion d’art brut et lui restituer son sens à un moment où elle est trop souvent diluée dans des discours confusants, on ne s’y serait pas mieux pris.
Aussi j’applaudis et je passe à la soirée Art et Médiumnitéqui se tiendra le mercredi 23 février 2011 dans le cadre de l’expo Henriette Zéphir à la Galerie Christian Berst (entrez par la rue Chapon et engagez vous dans le passage des Gravilliers, maintenant vous êtes grands, n’ayez pas peur).
L’occasion est trop rare d’entendre Bertrand Méheust, philosophe du genre épistémologue et historien de la métapsychique. Qui s’intéresse d’un peu près à la médiumnité et/ou à l’automatisme mental tombe forcément un jour sur les 2 gros pavés de sa thèse intitulée Somnambulisme et médiumnité (1998).
Ils se lisent comme un roman parce qu’émanant d’une pensée claire et bourrés de faits et d’anecdotes. L’auteur étant hyper-bien documenté. A intervalles réguliers, je déguste pour ma part un article qu’il a donné dans la revue de l’Institut Métapsychique International (décembre 2003) à propos des créateurs comme Augustin Lesage, Marguerite Burnat-Provins, Raphaël Lonné. Un Schmürz dans le monde de l’art, c’est le titre de cet article. Laurent Danchin apportera son expertise puisqu’il est aussi de la partie ce soir là.
00:03 Publié dans Ailleurs, art brut, Ecrits, Images, Lectures, Miscellanées | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, nyoaf 2011, the electric pencil, collection de l'art brut, aloïse corbaz, art et mediumnité, galerie christian berst, henriette zéphir, bertrand méheust, institut métapsychique, couille de mammouth, laurent danchin, schmürtz | | Imprimer | | |
18.02.2011
Sixtine à toutes les sauces
Télescopage. Des fois c’est un bombardement. Les informations m’arrivent de partout et je ne sais plus où donner de l’âme errante. Mardi 15 février 2011 c’est l’art brut qui s’invite aux Mardis de l’expo, sur France Culture. L’émission commence fort : «(…) qu’on l’appelle l’art naïf ou l’art des fous, il suscite à nouveau un regain d’intérêt (…) !!! Le temps d’aller chercher un bâtonnet ouaté dans la salle de bain pour me déboucher les oreilles et c’est déjà jeudi, le jour du Monde des Livres.
Entre temps, j’ai eu droit au Cloisonné théâtre d’Aloïse qui est, paraît-il, «surnommé la Sixtine de l’art brut». Surnommé par qui ? On ne le saura jamais. A ma connaissance, cette ravissante formule remonte à un article de La Voix du Nord du 12 septembre 2010 où la conservatrice en charge de l’art brut au LaM l’attribuait à la cantonade : «certains l’appellent la Sixtine de l’art brut (…)». Qui sont «certains»? On ne le saura jamais non plus. Mais on se dit sans doute du côté de Villeneuve d’Ascq que plus c’est gros et plus il faut le répéter. Cela finira bien par rentrer dans nos récalcitrantes caboches.
Fort heureusement il y a le Monde des Livres pour nous laver le cerveau. Dans son édition datée du vendredi 18 février 2011, j’ai sauté à pieds joints sur l’article de Claire Judde de Larivière intitulé : Michel-Ange, le sublime et l’infime, à propos de l’édition de la Correspondance de cet artiste-vedette de la Renaissance italienne, devenu l’étalon or de L’Aracine. Tout d’abord je n’ai rien remarqué mais je suis passée de la page 1 à la page 6 où l’article en question poursuivait son petit bonhomme de chemin. Page 6, il y avait une reproduction, un gros plan de la fameuse chapelle Sixtine.
Et là, ça m’a sauté à l’œil :
LA CHAPELLE SIXTINE
C’EST DE LA DAUBE.
23:43 Publié dans art brut, De vous zamoi, Gazettes, Images, Miscellanées, Nos amies les bêtes, Ogni pensiero vola, Parlotes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, aloïse corbaz, la voix du nord, lam | | Imprimer | | |
12.02.2011
Le Zanderland à Montmartre
J'adore les Belges. Les mecs ne se rasent plus. Les meufs jouent les Lysistrata. Pour réclamer un gouvernement. Cela leur laisse du temps pour s’intéresser à nous. Sur son journal en ligne, La Libre Belgique a déjà collé un article en 2 parties sur une expo parisienne qui vient de débuter à la Halle Saint-Pierre.
A moi qui était au vernissage, le 18 janvier, ça m’a foutu la honte naturellement.
Alors je trace vite derrière Roger Pierre Turine pour mettre mon grain de sel dans cette «épatante exposition qui montre quelques 300 pièces majeures d’une collection inestimable» : celle de Charlotte Zander.
Collection dévolue surtout au meilleur art naïf mais aussi à des peintres haïtiens, à des créateurs enregistrés dans l’Outsider art ou dans l’art brut et à des inclassables du genre de Ilija Bosilj
ou Sava Sekulic qui sont, pour nous, des révélations.
Sous le vent de l’art brut (c’est le gros titre un peu bateau de l’expo) commence sous le regard magnétique de l’affiche et par les beaux yeux de Charlotte Z dont le portrait est accroché à l’entrée.
On aurait pu mettre aussi ceux de Martine Lusardy qui a, comme dit R.P.Turine, «dans le pactole Zander, ciblé des œuvres qui puissent faire le lien entre art naïf plus démonstratif et art brut plus direct».
Car faut vous dire que cette expo halle-saint-pierresque transgresse tranquillement un tabou qui veut que art naïf et art brut soit impitoyablement discriminés. Cela ne signifie pas qu’elle mélange tout en un joyeux salmigondis.
Au contraire. Charlotte et Martine se sont entendues à merveille pour que cette dernière puisse naviguer dans le Zanderland : le château de Bönnigheim en Allemagne dont vous pouvez vous faire idée ici avec pour boussole le GPS à tonton Dubuffet.
Comme le dit le catalogue : «dans cette pelote prodigieusement colorée, patiemment enroulée» par la fée Zander pendant un demi-siècle d’explorations, «le commissariat de l’exposition de la Halle Saint-Pierre a délibérément tiré un fil et c’est celui de l’art brut».
Ce qui nous vaut des points de vue originaux sur des œuvres que l’on croyait connues et sur des catégories que l’on croyait figées une fois pour toute mais dont les frontières sont plus communicantes qu’on ne croit.
«Osons regarder André Bauchant et Henri Rousseau sans le jugement de la naïveté» claironne madame Lusardy et il est vrai que je ne m’étais jamais rendu compte à quel point les rochers de Bauchant pouvaient ressembler à une matière cérébrale proliférante dans ses tableaux.
La rencontre inusitée d’œuvres qu’on n’a pas l’habitude de voir rassemblées le révèle ici! Osons donc nous faire l’expo de la Halle Saint-Pierre.
«Osons!» est un bon programme. Une invitation à penser par la grâce d’un très bô «spectacle». Comme j’ai épuisé mon forfait, je ne saurais vous en dire plus une fois (ou pour cette fois).
23:55 Publié dans art brut, Expos, Gazettes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : halle st pierre, exposition sous le vent de l'art brut, martine lusardy, collection charlotte zander, art brut, art naïf, zanderland | | Imprimer | | |
06.02.2011
Henriette Zéphir à la Galerie Berst
Retour à Hercule. Normal pour la petite âme errante que je suis de s’abandonner dans les bras d’un demi-dieu de l’Olympe. Surtout s’il a servi de guide d’abord à une dessinatrice médiumnique du genre d’Henriette Zéphir dont la Galerie Christian Berstmontre les œuvres jusqu’au 5 mars 2011 seulement.
Cet «Hercule» là contresignait plus volontiers «Don Carlos», nous apprend Jean Dubuffet dans sa notice de 1966 paru dans le fascicule 14 (bleu marine) des regrettées Publications de la Collection de l’Art Brut.
Don Carlos, ça évoque l’opéra de Verdi surtout qu’Henriette est née près de Toulouse et de son Capitole. Cet infant d’Espagne entendait la voix de Charles Quint, son grand-père défunt et Henriette aussi, dans le temps, a entendu quelqu’un lui dire «bonjour ma douce». Aujourd’hui, elle reste plutôt floue à propos des entités qui dirigent sa création. Elle dit «on», elle dit «ils» : «ils aiment la difficulté là-haut».
Mais quand elle a commencé à œuvrer en mai 1961 et qu’elle a eu un jour la sensation de la présence de quelqu’un, dans un grand halo de lumière, à côté d’elle, elle pensait que Don Carlos avait été son mari dans une vie antérieure.
Dans la vraie vie, Henriette, s’était séparée de son conjoint martiniquais dont elle a gardé, j’imagine, le nom de Zéphir car il va très bien avec une dame qui aime les blés et les coquelicots. Une dame qui regarde son jardin en travaillant à ses dessins à l’écoline et à la petite plume, choisis par on et ils, parce qu’elle ne peut «en somme rien faire» par elle-même, selon ses dires dans un petit film très éclairant de Bastien Genoux et Mario del Curto projeté pendant le vernissage.
Par pitié, Don Christian Berst, installez votre écran plus haut la prochaine fois car je n’ai pu saisir que des bribes d’images! Mais ça fait rien c’était bien quand même, vu que madame Zéphir était dans la salle et que parfois on arrivait à l’apercevoir, au milieu du petit cercle familial qui veille sur elle, malgré la foule des grands jours.
Faut dire que l’événement était de taille. C’est pas toutes les fois qu’un créateur d’art brut révélé par Dubuffet est présent en compagnie de ses œuvres dans ce genre de manifestation. Surtout que l’Henriette est plus de la première jeunesse, même si elle tient une forme éblouissante et est vêtue avec une élégance qui prouve que ses guides lui lâchent maintenant la grappe avec la «robe grise devenue (…) très usagée» qu’ils lui imposaient de porter, selon Dubuffet.
En ce qui concerne celui-ci, c’était passionnant aussi d’avoir le feed-back d’une dessinatrice sur laquelle il avait écrit. Henriette a vu Dubuffet «baver» devant ses tableaux. «Il s’est mis à genoux» pour les voir. Elle était pas tranquille» mais c’était «un homme charmant».
Tellement y’avait de monde qu’on pouvait pas trouver un tire-bouchon et que sans mon copain Boris et son canif de poche, je faisais tintin pour le petit coup de blanc. Sur le départ, la galerie Berst me faisait penser à un aquarium bondé et il faudra que j’y retourne pour les œuvres.
Heureusement, le Préfet maritime était arrivé avant moi. Sur le seuil, il m’a glissé dans un sourire : «c’est bien, on dirait du Signac!».
Cette interprétation «luministe» pour une artiste qui sait projeter des «globes de lumière» sur ses proches, afin de leur servir d’anges gardiens, m’a laissée songeuse.
18:54 Publié dans art brut, Expos | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : henriette zéphir, art brut, art médiumnique, galerie christian berst | | Imprimer | | |
30.01.2011
Le livre d’or de l’abbé Fouré
Pauvre Adolphe-Julien! On a perdu son lit à Montreuil. On lui attribue une statue à Villeneuve d’Ascq. On cherche désespérément à retrouver ses sculptures sur bois disparues.
Quand on en déniche une, on crie illico au miracle même s’il n’y a vraiment pas de quoi se relever la nuit. Fouré a beau être abbé, son petit «bouquet de roses» de 1904, récemment redécouvert, n’a rien de miraculeux. Il a plutôt l’air… je ne dirai pas de quoi, par égard pour la vieille dame qui le gardait en souvenir.
Mais enfin si l’ermite de Rothéneuf n’avait fait que ça, je pourrais tout de suite passer à un autre sujet. Par exemple au gros livre sur Saint-Malo-Rothéneuf au temps des Rochers sculptés qui vient de sortir aux Editions Cristel dans la cité des corsaires. Il fallait un Jéhan pour s’occuper de la chose et c’est lui qui s’y est collé. Imprimé sur 3 colonnes et sur 222 pages, vous pensez bien que je n’ai pas eu le temps encore de me farcir ce gros bouquin avec lequel l’auteur vient de décrocher son bâton de maréchal fouerrant. Mais je vous conseille de le lire.
Attention, c’est touffu. Normal puisque l’auteur bosse depuis 25 ans sur le sujet. Et puis, le format à l’italienne, s’il met en valeur les images du site rothéneufien et les documents anciens qui accompagnent le texte, ne facilite pas la consultation. Si vous pensiez le parcourir dans le métro, c’est râpé! Votre petite âme errante vous recommande donc de fonctionner au GPS pour vous aventurer dans ce jardin d’érudition luxuriant, d’autant qu’il n’y a pas d’index.
Avant de partir, visiter le sommaire et les remerciements est aussi indispensable que de vous coltiner le mode d’emploi de votre nouveau téléphone portable. Vous comprendrez très vite que le livre de Jean Jéhan –c’est sa richesse mais son tendon d’Achille aussi– emboîte plusieurs ouvrages comme une poupée gigogne. Un album photo où l’auteur a recueilli ses meilleurs clichés réalisés depuis 30 ans. Une biographie proprement dite. Une histoire de la Côte d’Emeraude et des bains de mer à la Belle Epoque.
Le mémoire de DEA de Valérie Baudoin, une de ses valeureuses fourmis. La préface-fleuve d’un expert en fourétitude du nom d’Alain Bouillet. Une expérimentation façon numéric art par Véronique Hénaff et Jean-François Barrière. Ajoutez à ça des centaines de notes, 6 pièces en annexe et une biblio. On sort de là rassasiés. L’auteur a un appétit de Gargantua mais il peine forcément à digérer toute cette matière rédactionnelle et iconographique.
Il est donc permis d’entrer dans son travail par des chemins buissonniers et se précipiter en priorité sur les fac-simile (ou repros intégrales) qu’il nous offre. Celui du Guide du musée de l’Ermite de Rothéneuf de 1919.
Celui du Livre d’Or de l’Abbé Fouré, totalement inédit.
Comme ça, on saura qu’une visiteuse de l’époque se croyait «transportée au pays des fées». Et c’est loin d’être négligeable. Sans vouloir ajouter un angle supplémentaire à l’approche de Jéhan qui en comporte déjà beaucoup, je vous quitte pas sans vous signaler L’Ermite de Haute Folie, le petit dernier des Contes du Korrigan, une bédé de Ronan Le Breton (scénariste), Stéphane Créty et Vicente Cifuentes (dessinateurs) qui met en scène notre bon vieil «abbé Fouéré».
18:48 Publié dans art brut, Ecrits, Images, Lectures, Sites et jardins, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : abbé fouré, art brut, rothéneuf, st malo, jean jéhan, rochers sculptés, l'ermite de haute folie, contes du korrigan, ronan le breton, stéphane créty, vicente cifuentes | | Imprimer | | |
22.01.2011
Un Joli Cœur brut fait Surface en Chine
Aujourd’hui : des chinoiseries. J’ai beau être une grande fille toute simple, on dit que je me la pète, que mon tour de tête c’est 62, bref que je suis snob un max. Allez donc lutter contre ça! Alors j’avoue : oui, j’ai des lectures de femme de milliardaire mais tant qu’à faire de milliardaire chinois. J’ai découvert récemment, chez Artcurial ou ailleurs, un magazine auquel je ne comprends rien (sauf les titres en anglais) n’ayant jamais poussé mes études linguistico-sinologiques au dlà des bars où l’on sert du mandarin-curaçao.
Surface qu’il s’appelle. Bon, c’est branché surtout sur la mode et le design hyper-class et je crois pas que vous fréquentiez (de + en + nombreux, merci) Animula Vagula pour ça.
Seulement, surprise!, est encarté dedans Surface un supplément de 32 pages intitulé Beautiful Heartet consacré, devinez à quoi? A l’art brut…Bingo!
Ce qui prouve encore une fois la justesse de mon théorème: Art brut ami partout toujours. On peut maintenant le raper dans la langue de Liu Xiabo. Invités d’honneur occidentaux : le photographe suisse Mario del Curto avec une photo des cabanes du Québécois Richard Greaves et le galeriste alsacien Christian Berst avec une image de Giovanni Bosco.
Parti de chez moi, il y a un peu plus de deux ans seulement, voilà ce créateur sicilien arrivé dans l’Empire du milieu. Géant! Mais tout ça, on connaît.
Le must c’est que ce cahier-surface en bonus qui peut se consommer à part (avis aux collectionneurs) contient aussi des repros de dessins réalisés dans des contextes psychiatriques.
Du moins, si j’en crois un des rares titres en anglais perdu dans un océan de chinois : The mentally ill should not be the scapegoat.
Que les «malades mentaux» ne soient pas «des boucs émissaires», ça me paraît un bon programme et peut-être la preuve que la Chine n’est pas la dernière à se poser les bonnes questions.
Question art brut, on reste un peu sur notre faim avec ces images mais je vais essayer d’en savoir plus. Et comme on dit dans les Shadoks : «c'est tout pour aujourd'hui» à la semaine prochaîîîne!.
15:24 Publié dans Ailleurs, art brut, Gazettes, Images | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, art brut chinois, surface magazine, giovanni bosco | | Imprimer | | |
09.01.2011
Une curiosité cévenole
Je m’ennuie c’est rien de l’dire. La nuit est déjà tombée et elle est tombée sur mon moral. Et c’est pas les deux ou trois gouttes de soleil que j’ai reçues sur le museau cet après-midi durant ma promenade conjugo-dominicale qui vont changer quelque chose au fait que je m’ennuie. Pour me consoler, je me suis cuit un gros chocolat des familles mais rien n’y a fait.
Je m’ennuie et je sens que je vous ennuie aussi. Rien de tel qu’un peu de rangement pour guérir le spleen comme dit Charles Baudelaire.
Alors tandis que mon chéri se jetait sur la porte de la salle de bains qui grince, le tournevis à la main, je me suis attaqué à la pile de revues et de bouquins qui défigure la gracieuse table basse de mon mini salon pour lui casser la margoulette (à la pile).
En est tombé Une curiosité cévenole, un article d’un certain Henri Touzély (inconnu au bataillon) niché au coin d’un mince Bulletin du Club cévenoldatant de janvier-mars 1902 (8e année, n°1).
Pourquoi, j’ai ramassé cette paperolle de mes blanches mains? D’abord, parce qu’on y fait allusion au sculpteur sur bois d’Alais dont je vous ai entretenu un sombre dimanche de mars 2009 comme vous le constaterez ici. Ensuite parce qu’on y parle d’un autre sculpteur populaire, «moins tapageur, plus modeste et certainement aussi habile que le sculpteur sur bois d’Alais». Le voici représenté auprès de ses travaux .
Premièrement : une pipe et sa chaîne taillées dans un tronc de buis de deux mètres de hauteur.
Deuxièmement : un bloc de calcaire façonné comme une machine célibataire les soirs d’hiver et sans lumière.
Cette pierre de Pierret (car le sculpteur, Pierre Combemale, était surnommé ainsi) me fait penser à une de ces sculptures de Pascal Verbena qui font rouler des billes. «Par les ouvertures que vous apercevez sur la face de la pierre», nous apprend Henri Touzély, Pierret a «creusé des disques se mouvant sur un axe et dans lesquels tournent des boules qui ne peuvent aucunement s’en échapper (…)».
Chef d'oeuvre d’adresse et de patience, sculpté dans l'obscurité par un cultivateur Pierre Combemale, dit Pierret. Le bloc de calcaire a forme originale est orné de motifs variés; dans l'intérieur, évidé curieusement, Pierret a détaché des boules roulant les une sur les autres et dans les boules, de plus petites tournant dans les grandes. La pipe et la chaine forment une seule et même pièce sculptée dans un tronc de buis de 2 mètres de hauteur
Pierre Combemale qui habitait Fraissinet-de-Fourques, sur la route de Florac à Meyruels, s’occupait toute l’année «aux divers travaux de la campagne» mais les touristes de passage dans ce village pouvait admirer directement la curiosité lapidaire ou «s’adresser à l’auberge Pautard».
Pour terminer sur une note propre à dissiper la mélancolie, je citerai la conclusion de l’inénarrable auteur de ce papier oublié : «c’est vraiment dommage qu’un homme si patient et si adroit ne possède pas d’instruction et n’ait aucun principe de dessin ou de sculpture ; il aurait pu, s’il avait été cultivé devenir un artiste distingué».
21:27 Publié dans Glanures, Jadis et naguère, Musées autodidactes disparus | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art populaire, art brut, pierre combemale, la pierre de pierret, henri touzély, club cévenol | | Imprimer | | |
07.01.2011
Guo Fengyi vous donne encore 8 jours
J’étais bien décidée à coincer la bulle et à me faire une soirée-télé avec mon chéri que j’ai et le nouveau coffret Pierre Etaix qu’il m’a offert pour le nouvel hi-han mais, ânesse que je suis, je suis tombée sur Paris Art et voilà que mes plans sont pertubés. C’est que je sais bien que je n’ai pas eu l’occasion d’en faire des tonnes sur Guo et qu’il ne vous reste plus que 8 jours pour rendre visite à cette Fengyi là.
Pensez donc si j’ai sauté sur l’article consacré à cette Chinoise brute du Marais que j’avais seulement effleurée dans ma récente et enfièvrée chronique sur les folles soirées de la Galerie Berst! Je l’ai dévoré en le trouvant pas mal du tout et comme la note que j’aurais pu bricoler sur le sujet ne serait pas arrivé à la cheville de ce papier, je n’ai aucun scrupule à vous envoyer dessus. J’avais pas vu tout d’abord qu’il était de Céline Delavaux mais à la relecture ça m’étonne pas.
Encore du Crab, me direz-vous! Et vouiii. Ils sont partout. Tant mieux, je vais pouvoir me reposer. J’aurai plus qu’à recopier ce qu’ils pondront. Aujourd’hui, avant d’aller dormir, je glisse dans mon armoire à citations la phrase que C.D. a déposée au bout de son texte comme une pointe à la fin d’un sonnet baroque
L’art brut permet de continuer à penser l’art, là où il nous échappe
00:05 Publié dans art brut, Ecrits, Expos, Gazettes, Images, Ogni pensiero vola | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guo fengyi, art brut, galerie christian berst, céline delavaux, pierre etaix, le crab | | Imprimer | | |
06.01.2011
Vie de Marcel Storr, peintre en bâtiments merveilleux
On rigole pas avec Storr. Mes allusions à cet «architecte de l’ailleurs» m’ont valu de puissants commentaires. Voir Les territoires de l’art modeste, mon post du 27 décembre 2010. J’ai donc voulu me gaver du bouquin de Françoise Cloarec (12 €).
Seulement j’ai été coincée avec lui dans le bus 84 un soir de pagaille à la Concorde. Alors je l’ai lu de traviole. En commençant par les remerciements à Liliane et Bertrand Kempf, protecteurs de l’œuvre du cantonnier-constructeur de cathédrales.
Sans eux, ce livre n’existerait pas. Ce sont eux qui ont poussé l’auteur à l’écrire. Pas sûr qu’on puisse en tirer un film du genre Séraphine de Martin Provost cependant.
Cliquer sur le livre
Car, même si Françoise Cloarec s’est livrée à un patient travail d’enquête dans diverses archives, les infos à propos de Marcel Storr, y’en a pas toujours bézef.C’est selon les périodes : enfance souffreteuse chez des campagnards où il se fait avoiner grave jusqu’à (selon lui) en perdre l’ouïe, balayeur (comme Raymond Isidore à Chartres) dans sa vie d’homme farouche et illettré, pensionnaire passager de Ville-Evrard après la mort de son épouse qu’il vit comme un nouvel abandon, lui le gosse de l’Assistance, usager d’un centre de santé enfin où il dorlote sa parano en présence d’un psy.
Parfois, y’a de quoi et parfois non. Quand y’a de quoi, le bouquin de F.C. évolue gentiment dans le genre biographie vivante. Et ça se laisse lire. Quand elle a moins de grain à moudre, elle abuse un peu des questions : «Qui est le vrai père de Marcel?», «Qu’est-ce qui le pousse à créer?» ou glisse vers le romanesque : «ce matin, il est arrivé comme d’habitude à sept heures. Le chef est venu lui dire quelque chose qui ne lui a pas plu».
On ne saurait lui en vouloir à Françoise, d’autant qu’elle a le bon goût de caser dans ses références plusieurs écrivains. Elle clôt d’ailleurs son ouvrage par une citation de Gérard Oberlé, le chroniqueur du magazine Lire.
L’ensemble -c’est le principal- est fluide et ne pèse pas sur le ciboulot. Fluide et fidèle au sujet. Dans la dernière partie, celle où F.C. s’est sourcée aux souvenirs précis de ses commanditaires, elle trouve des accents justes pour décrire l’urbanisme délirant et les tours fantastiques de Marcel Storr qui ne sont pas sans m’évoquer à moi celles de la Sagrada Familia de Gaudi à Barcelone.
Elle pointe avec finesse le rapport transférentiel qui s’était établi entre ce sauvage de Storr, qui ne voulait rien vendre ni exposer, et Liliane K qui était tombée sur son œuvre par hasard un jour de septembre 1971 et ne s’en est pas remise depuis.
Surtout Françoise Cloarec démontre bien, sans avoir besoin de le dire, que Marcel Storr, par son comportement, ses qualités et ses limites, son parcours et la nature viscéralement individuelle de son travail, est un pur cas d’art brut.
Je dis ça pour ceux à qui je porte sur les nerfs quand je m’éloigne de mon dada.
Mais je suis contente aussi de constater que Storr, quand il disait : «Picasso, qu’est-ce que c’est, Picasso? Il ne sait même pas dessiner!» se fichait pas mal de la «transversalité» de son art avec les autres courants de l’art contemporain de son temps.
01:20 Publié dans art brut, De vous zamoi, Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, marcel storr, liliane et bertrand kempf, françoise cloarec, sagrada familia, gaudi | | Imprimer | | |